Faire dialoguer géographie de la santé et géographie urbaine pour contribuer au débat public
Ce texte est un appel à communication pour la Journée d’études de l’Association des Géographes français (AGF) qui se déroulera le Samedi 26 Mars 2022
Inégalités écologiques, risques sanitaires et prévention :
Faire dialoguer géographie de la santé et géographie urbaine pour contribuer au débat public
Avec la révolution numérique et les choix faits par de nombreux États pour une ouverture au monde, les sociétés contemporaines ont été soumises à l’intensification des flux d’échanges dans des domaines aussi variés que les capitaux, le tourisme, la recherche scientifique, la migration, les produits divers etc. De nombreux ouvrages et articles publiés sur le thème de la mondialisation ont également attesté de l’importance de l’urbain (au-delà des seules villes globales) et des territoires en raison de leur mise en relation avec les réseaux techniques et sociaux (Appadurai, 1996).
Mais l’étude sur les risques inhérents à la mondialisation, comme par exemple la pandémie, était peu abordée en dehors des inégalités sociales (Ghorra-Gobin, 2006, 2012). La mondialisation étant perçue comme une nouvelle étape de la modernité, la recherche a peu mobilisé le registre des vulnérabilités en lien avec l’accélération des échanges.
Suite à la pandémie de Covid-19 qui a entraîné la mondialisation du confinement et de la crise sanitaire au cours des deux dernières années (Charmes, Rousseau, 2020), de nombreux observateurs s’interrogent sur le « monde d’après » et plus particulièrement sur l’avenir des villes (petites et grandes). Les épidémiologistes et les philosophes indiquent que les pandémies se multiplieront avec le changement climatique et la perte de la biodiversité (Latour, 2015). Les économistes soulignent combien la pandémie met au jour « la crise de la gouvernance mondiale » de la santé publique en raison de la distribution limitée des vaccins dans les pays du Sud. Ils constatent que la santé publique est encore peu considérée comme un bien commun de l’humanité.
Quant au président du Comité d’urgence Covid-19 de l’OMS, Didier Houssin (2021), il évoque l’intérêt d’une politique consistant à mettre la santé au centre des politiques à l’image des enseignements tirés par ces deux dernières années dont le tempo politique a été rythmé par le virus et la santé. Il suggère aux États d’inscrire dans la loi la nécessité de poursuivre une politique de prévention et de préparation aux épidémies en sachant que seules des transformations à l’échelle mondiale peuvent répondre aux défis.
Mais si les décideurs œuvrant à l’échelle mondiale et nationale sont sollicités pour penser pandémies et crises sanitaires, il importe d’y inclure le niveau local en faisant référence à la société civile (Reghezza-Zitt, 2021) à travers une forte intégration des échelles. Dans ce nouveau contexte caractérisé par le slogan de « vivre avec » des épidémiologistes ou de futurs risques de pandémie, il importe de faire dialoguer la géographie urbaine et la géographie de la santé. Il s’agit de poursuivre et enrichir les travaux sur les inégalités écologiques d’une part et d’initier une réflexion sur la prévention des risques.
Si repenser le système de soins (hôpitaux et médecine de ville) relève d’un autre niveau de l’organisation territoriale, inscrire sur le mode explicite la prévention dans les documents d’urbanisme et les projets urbains peut relever du local (Faytre & Le Goff, 2022). L’Ecole des Hautes Etudes en santé publique (EHESP) avait mis au point le concept d’« urbanisme favorable à la santé » avant la pandémie (Hellequin, 2018), il importe à présent d’œuvrer à son introduction dans les politiques et les pratiques. Le géographe Michel Lussault insiste sur la qualité des alentours du logement et plaide pour un « urbanisme du care ». Le logement et les espaces clos, considérés comme des lieux de contamination, suscitent des interrogations quant à leur conception et à leurs usages.
Dans un contexte où les philosophes et les environnementalistes sont d’accord pour affirmer que le XXIème siècle caractérisé par le changement climatique sera propice aux pandémies, il revient aux chercheurs de la géographie de la santé et de la géographie urbaine de dialoguer pour contribuer au débat sur les politiques urbaines de prévention. La prévention s’appuie sur des données mettant en évidence les inégalités écologiques socio-spatiales en vue de réduire les vulnérabilités (Voisin, 2020). Elle requiert également des analyses mettant en évidence les critères pour définir la qualité des espaces publics en s’inspirant de modèles historiques de l’urbanisme et en imaginant de nouvelles pratiques.
Le dialogue entre les chercheurs/es de la géographie de la santé et de la géographie urbaine se présente ainsi comme un moyen de contribuer à la résilience des sociétés urbaines. Comme l’indique Magali Reghezza-Zitt, l’aménagement doit se comprendre comme le « premier levier de la résilience » que seules des politiques transversales et parfois disruptives peuvent contribuer à construire.
La journée d’études s’organise autour de 3 thématiques :
- La santé comme objet de prévention dans l’aménagement urbain et dans les politiques urbaines : Quelles sont les connaissances requises pour penser l’urbanisme de la prévention ? Que nous apprend les défis historiques ayant contribué à la tradition urbanistique ? Comment solliciter le point de vue des habitants ?
- L’analyse des inégalités écologiques pour améliorer la santé et le bien être des habitants : Quelles sont les données dont disposent les chercheurs au XXIème siècle ? Sont-elles différentes de celles des décennies antérieures ? Pourquoi ? Les chercheurs/es ont-ils/elles les moyens d’intégrer le point de vue des habitants ?
- La santé et la politique de la prévention peuvent-elles être définies comme des compétences urbaines dont le champ d’investigation relèverait d’un dialogue entre géographie urbaine et géographie de la santé ? Pourquoi ? Comment envisager une perspective commune centrée sur les défis à venir ?
Quelques références bibliographiques :
Appadurai A. (1996), Les conséquences culturelles de la globalisation. Payot (2005).
Charmes E. & M. Rousseau, (2020), « La mondialisation du confinement. Une faille dans la planétarisation de l’urbain », La vie des idées, Mai 2020, [En ligne]. < https://laviedesidees.fr/La-mondialisation-du-confinement.html>
Faytre L. & T. Le Goff, (2022) (dir.), Fragiles Métropoles. Le temps des épreuves, PUF & Les Cahiers de l’Institut Paris région.
Ghorra-Gobin C., (2020), « La pandémie représente un risque inhérent à la mondialisation », Société de Géographie, [En ligne], <0/les-geographes-face-au-covid-cynthia-ghorra-gobin-la-pandemie-represente-un-risque-inherent-a-la-mondialisation/>
(2006, 2012) (dir.), Dictionnaire critique de la mondialisation, Armand Colin.
Hellequin A.-P. (2018), « Ville et santé, une longue interaction », Urbanisme #410, p. 26-28, Octobre.
Houssin D. (2021), L’ouragan sanitaire, Odile Jacob.
Latour B., (2015), Face à Gaïa. Huit conférences sur le Nouveau Régime climatique, La Découverte.
Lussault M., (2020), Chroniques de GEo’virale, 205.
Perez S., (2010), Santé et Interfaces. Géographie des Interfaces, Quae, p. 143-155.
Reghezza-Zitt M. (2021), « Face à l’urgence climatique, l’adaptation c’est dès maintenant », The conservation, < https://theconversation.com/profiles/magali-reghezza-zitt-1226250/articles>
Roussel I. et al. « Les multiples facettes des inégalités écologiques », Développement durable et territoires, 2007, [En ligne] https://journals.openedition.org/developpementdurable/3892
Vallée J., Fleuret S., Gasquet-Blanchard C., Hoyez A-C (dir.), (2019) Abécédaire de la géographie de la santé. Dimensions territoriales de la santé, Edition Matériologiques.
Voisin C., (2020), Des villes productives de santé ? La Fabrique de la Cité, < https://www.lafabriquedelacite.com/publications/des-villes-productrices-de-sante-par-chloe-voisin-bormuth-30-minutes-pour-demain/>
Les propositions (2 pages) devront parvenir au plus tard le 15 Février à Cynthia Ghorra-Gobin (implementation@orange.fr) et à Isabelle Roussel (appa.irou@gmail.com)
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Cynthia Ghorra-Gobin (18 janvier 2022). Prévention de risques sanitaires et métropoles. Skyscraper. Consulté le 17 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/u7fl